Férus de motos anciennes, il est un endroit où s’impose un pèlerinage : le musée de Zschopau en Allemagne, dans l’ancienne usine MZ.
C’est là où la puissante industrie allemande a produit quelques-unes des meilleures machines d’enduro dans les Seventies et les Eighties. Un lieu qui ne regroupe aujourd’hui que des motos d’exception.
La ville de Zschopau en Saxe, ex-région d’Allemagne de l’Est, est ce que San Francisco est à la Silicon Valley : l’épicentre. Celui de l’enduro teuton, ici en l’occurrence. En références moins contemporaines, le berceau de l’enduro germanique, là où tout se passait lors des grandes années de la discipline outre-Rhin. Pour le comprendre, il faut faire un bref retour en arrière: à partir de 1907, quand le Danois Skafte Rasmussen y fonde une usine de distribution de véhicules.
» Le musée de Zschopau vous replongera dans les plus belles et célèbres heures de l’enduro mondial «
En 1915, elle commence à produire et vendre une voiture à vapeur sous le nom DKW, pour Dampf-Kraft-Wagen (soit véhicule mû par la vapeur) et, en 1922, la première moto thermique 2-temps, toujours sous la même marque. A l’époque, l’usine de motos DKW était la plus grande unité de production de deux-roues au monde. Mais, après 1945 et la création de la RDA, DKW change de nom pour devenir IFA, puis MZ, un nom mythique pour quiconque s’est intéressé de près ou de loin au tout-terrain.
Faut dire qu’à partir de 1955, non content de produire des machines victorieuses sur pistes, la société teutonne se met à vendre des motos plus polyvalentes qui performent tout de suite en chemin. Preuves en sont les sept victoires lors du Trophée des Six-Jours de la RDA et ses 13 titres de champion d’Europe entre 1968 et 1986.
Propagande politique
Les courses d’enduro font donc partie de l’histoire de Zschopau. A l’apogée du sport, dans les années 70 et 80, lorsque le championnat d’Europe était le titre le plus relevé et que les Six-Jours étaient le championnat du monde par équipe, les courses étaient plus qu’un affrontement sportif. Elles étaient le prétexte à une propagande politique sur fond de rivalité des deux blocs antagonistes de l’Est et de l’Ouest. Pour les équipes du bloc de l’Est, engagées dans la défense des classes laborieuses, MZ, Simson, Jawa et CZ étaient ses valeureuses représentantes et la preuve de l’efficacité du bloc communiste.
D’ailleurs, on n’hésitait pas à exploiter leurs victoires pour vanter les mérites du système, notamment contre les équipes d’usine de Zündapp, Maico et Hercules de la “RFA impérialiste”. C’est précisément cette atmosphère que l’on peut ressentir aujourd’hui dans le tout nouveau Musée de l’Enduro de Zschopau, monté au cœur du volcan puisque directement dans les couloirs de l’ancienne usine MZ. Au-dessus très précisément du magasin de motos de l’ancien pilote d’usine MZ et champion d’Europe, Harald Sturm!
Une création d’intérêt public
L’idée a germé d’un groupe Facebook créé il y a quelques années par l’ancien pilote d’enduro et actuel directeur du musée, Markus Schachtschneider, 56 ans. Beaucoup de membres dudit collectif possédaient encore d’anciennes machines stockées dans leurs sous-sols, voire même des collections privées que l’on pouvait apercevoir lors des épreuves de la Classic Cup, alors naturellement, l’envie de les réunir en un même lieu n’a pas tardé à poindre.
C’est en 2019 qu’est lancé le projet de les réunir et le 15 mai 2022, que l’exposition est inaugurée. L’espace d’exposition s’étend sur 1000 mètres carrés sur deux niveaux et regroupe la bagatelle de 150 machines. Et c’est précisément en entrant dans le musée que les émotions de l’âge d’or du TT refont surface, a fortiori quand on a la chance de croiser quelques pilotes de l’époque, comme par exemple Arnulf Teuchert, le champion allemand de 1981-1983 au guidon d’une Hercules 80 cm3.
Grand connaisseur
L’homme de 74 ans a été étroitement impliqué dans le projet et connaît le contexte et l’histoire de presque toutes les machines exposées. Ce qui permet d’obtenir enfin des réponses à des questions brûlantes comme: « Oui, c’est vrai, Heinz Brinkmann a vraiment vidangé l’eau de refroidissement de sa KTM lors des Six-Jours de 1979 avant le test chronométré pour la remplir d’eau fraîche, ce qui lui a donné un demi-cheval de plus pendant quelques minutes avec sa 80 ! ».
Teuchert nous guide à travers l’exposition et nous nous arrêtons devant sa Hercules 80 de 1982. « Chaque détail et chaque vis de cette machine ont été soigneusement pensés et optimisés à la perfection pendant trois années de développement. Il y avait trois tailles de têtes de boulons: 10, 13 et 17 mm, et avec une clé combinée, je pouvais pratiquement démonter toute la moto » explique Teuchert, qui roule encore régulièrement sur un Hercules 80 lors d’événements classiques.
De temps en temps, on peut aussi rencontrer Eberhard Weber, ancien coureur de l’usine Zündapp de Cologne et champion du monde aux Six Days de 1975 et 1976, qui préside l’association et vient souvent à Zschopau avec ses amis, Heinz et Bernhard Brinkmann…