À 47 ans, le nouveau PDG de KTM Gottfried Neumeister ne vient pas du monde de la moto, mais c’est un stratège confirmé. Ancien cofondateur de la compagnie aérienne flyniki aux côtés de Niki Lauda, puis co-CEO du groupe de restauration haut de gamme Do & Co, il a rejoint Pierer Mobility en septembre 2024 avant d’en prendre la présidence en janvier 2025.
Neuf mois après son arrivée à la tête du groupe en pleine tourmente, Neumeister a clarifié sa feuille de route : retour aux fondamentaux, recentrage sur le cœur de métier et maintien d’un ancrage industriel fort en Autriche, malgré l’augmentation de la participation du groupe indien Bajaj. Dans un entretien accordé au magazine autrichien Motorradmagazin, il revient sur les décisions clés prises depuis janvier pour assurer non seulement la survie, mais aussi le redressement de KTM.
Cap sur l’essentiel
« Trop de dispersion, pas assez de clarté », résume-t-il. Parmi les premières mesures, l’arrêt de certaines activités périphériques jugées trop coûteuses : fin de la division vélo, cession de MV Agusta, retrait de la distribution des CF Moto. L’objectif est clair : concentrer les efforts sur les marques phares – KTM, Husqvarna et GASGAS – tout en regagnant en efficacité industrielle. Cette rationalisation s’est accompagnée de 1 800 suppressions de postes depuis fin 2023. Une phase que Neumeister affirme aujourd’hui terminée : « Il n’y aura pas de nouvelle vague de licenciements. »
La production reste localisée en Autriche, aucun projet de délocalisation n’étant envisagé. Les sites de Munderfing et Mattighofen tourneront au ralenti en 2025, avec 58 000 motos prévues, avant de remonter progressivement à 110 000–120 000 unités en 2026, puis jusqu’à 150 000 à moyen terme. Le pic historique de 380 000 motos produites dans le monde reste une référence, mais « sans obsession », selon lui. « On laisse le marché respirer. »
Bajaj majoritaire, mais KTM reste maître à bord
La montée de Bajaj à 75 % du capital de Pierer Mobility, prévue pour mai 2026, alimente les interrogations. Neumeister se veut rassurant : « KTM reste indépendante. Le développement, les décisions commerciales et l’ADN de la marque restent autrichiens. » Il insiste sur la confiance de Bajaj dans les compétences locales, et exclut tout transfert massif de production : « Si tel avait été leur objectif, ils auraient simplement pu racheter la marque lors de la liquidation, sans débourser 800 millions d’euros. »
La gamme est en pleine rationalisation. « Nous avions 84 modèles Enduro/MX répartis sur trois marques. C’est beaucoup trop. » La stratégie multi-marques reste en place, mais fait l’objet d’un ajustement fin selon les marchés : Husqvarna fonctionne bien aux États-Unis, GASGAS progresse en Amérique du Sud. « Il faut affiner, pas tout bouleverser. »
L’engagement sportif maintenu, l’électrique avec mesure
Malgré les turbulences, KTM confirme son engagement en compétition. Le programme MotoGP est maintenu jusqu’en 2026, tout comme les efforts en rallye-raid, motocross et enduro. L’arrivée de Lukas Lauda comme conseiller pour la compétition s’inscrit dans cette volonté de continuité. « Le sport moto, c’est notre ADN. Mais à terme, il faudra peut-être éviter d’aligner toutes nos marques dans toutes les disciplines. »
Côté technologie, l’électrique reste une priorité – avec pragmatisme. Un modèle d’entrée de gamme, l’E9, est en cours de développement pour séduire les jeunes pilotes. KTM vise la position de leader du tout-terrain électrique, sans renoncer au thermique. « Il n’existe pas de solution universelle. L’approche doit s’adapter aux spécificités locales. »
Reconstruire la confiance
Pour regagner la confiance, en interne comme en externe, KTM lance plusieurs initiatives : la campagne communautaire « Orange Blood », le programme de conseil client international « Orange Board », et la création d’un département « Dealers Excellence » dédié aux concessionnaires. L’objectif est clair : « Ne plus forcer les ventes, mais livrer les bonnes motos, avec la bonne qualité. »