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Danilo Petrucci revient sur son expérience du Dakar

Premier pilote MotoGP à gagner une étape du Dakar, Danilo Petrucci a sans conteste créé la surprise lors de la 44e édition. Ce ne fut toutefois pas de tout repos pour l’Italien de 31 ans qui a bien failli faire une croix sur sa participation avant même de commencer.

Malgré la malchance, quelques tests PCR récalcitrants, de l’herbe à chameaux sur son passage et des chutes, “Petrux ” est parvenu à rallier l’arrivée finale à Jeddah. Retour sur une première expérience hors du commun pour celui qui devait participer au championnat du monde de rallye-raid 2022 en orange et qui est déjà ex-pilote KTM

Dakar de Danilo Petrucci

Ton premier Dakar n’a pas exactement commencé comme tu l’imaginais, comment qualifierais-tu tes débuts ?

Danilo Petrucci : C’était une aventure! Je pense que j’ai vécu dix Dakar condensés en un seul avec des hauts et des bas. Après cinq jours d’entraînement à Dubaï, le 6 décembre, je me suis cassé l’astragale et le péroné. Les docteurs m’ont dit de passer deux mois sans marcher. Pour moi, c’était hors de question. Avec mon médecin, mon kiné et mon coach, nous avons travaillé pour au moins tenter le coup. Quand je suis arrivé à Jeddah, j’ai fait un PCR et je suis allé rouler le lendemain. Après 20 minutes de roulage, je suis revenu au camion et tout le monde me regardait avec le masque. Le coordinateur du team KTM rallye m’a annoncé que j’étais positif. Je me suis dit : « Non, ce n’est pas possible ! » J’ai pris ma moto, je me suis rendu en ville pour faire un autre PCR… lui aussi positif. Pendant ce temps, ils m’ont fermé l’accès à l’hôtel!

Il me restait une journée, je suis donc parti à l’hôpital pour faire un bilan sanguin et heureusement, au matin du 31 décembre, au dernier moment avant de faire les vérifications techniques et sportives, mon test est revenu négatif et j’ai pu prendre le départ. Pour des raisons de sécurité, l’équipe a toutefois décidé de m’isoler. J’ai donc passé le réveillon dans une tente. Une expérience fantastique ! Aucun bruit, aucune lumière… je me demande où ils sont allés chercher cet endroit pour y planter ma tente (rires). J’ai ouvert la tente et j’ai passé deux heures à regarder les étoiles. Le matin, ils sont venus avec un sachet de muesli et de l’eau chaude et ils m’ont amené au départ. J’étais vraiment content de partir. C’est comme ça que mon Dakar a commencé. Pendant quelques jours, j’ai toutefois eu l’impression que quelqu’un, là-haut, ne voulait pas que j’y participe.

Comment se sont passées les premières étapes?

Danilo Petrucci : Durant les deux premiers jours, je me sentais de mieux en mieux avec la moto et avec ma cheville… mais lors de l’étape 2, ma moto s’est arrêtée. J’ai essayé de la réparer, mais je ne savais pas comment faire! J’ai voulu appeler mon mécanicien et je me suis rendu compte que j’avais tout perdu : mon téléphone, mon passeport, mon permis, ma carte de crédit, la monnaie… tout ce que j’avais. J’ai donc dû appeler les secours, mais je savais que ma course était terminée. Une fois encore, j’ai pensé que quelqu’un ne voulait pas que je dispute ce Dakar. J’étais mitigé… d’un côté, je me disais que je devais arrêter et que quelqu’un me disait de ne pas aller plus loin; et de l’autre, je n’avais plus de passeport, je ne pouvais donc même pas rentrer chez moi, je n’avais plus rien. Je me suis dit que comme je ne pouvais pas rentrer, alors ils fallait que je continue.

Ça a été la meilleure décision de ma vie. C’était une affaire entre le Dakar et moi. Je suis donc parti de loin et j’ai passé une journée à remonter au classement, j’ai pris beaucoup de plaisir. Pour la première fois, j’ai mené une étape. Je me battais aux avant-postes avec Joan Barreda. C’est une belle histoire, car je crois que je suis parti 24e et je suis revenu jusqu’à la Sherco de Lorenzo Santolino qui est resté avec moi. Il m’a passé deux ou trois fois quand je n’étais pas sûr de la navigation sur quelques intersections ou quelques pistes. Une fois qu’il avait la piste, il me demandait de repasser devant. Nous sommes arrivés au ravitaillement et je lui ai dit de continuer comme ça. Nous venions de parcourir 100 km en un peu plus d’une heure. Nous roulions à une moyenne de plus de 130 km/h, comme une course MotoGP, mais au guidon d’une machine du Dakar au beau milieu du désert. Sur les 460 km, nous avons passé au moins 250 km en cinquième ou sixième. C’était incroyable!

C’était comme rouler sur un circuit, mais dans les dunes. Nous avons terminé 3e et 4e, mais j’ai été pénalisé pour excès de vitesse. J’ai roulé 10 km/h au-dessus des 30 km/h de la zone limitée. Je pensais qu’ils vérifiaient la vitesse moyenne sur le tronçon, mais ils surveillent tous les 100 m. J’ai donc hérité de 10 minutes de pénalité.

étape du Dakar

Peux-tu revenir un peu plus en détail sur cette première victoire ?

Danilo Petrucci : La journée a très mal commencé. J’ai chuté pour la première fois. Derrière une dune se trouvaient des chameaux qui traversaient la piste et l’un d’entre eux est parti dans la direction opposée. Je suis donc sorti de la piste et je suis passé dans de l’herbe à chameaux. Je suis tombé et j’étais un peu sonné, mais je me suis dit qu’il fallait que je rejoigne le bivouac avec la moto sans commettre d’autres erreurs. J’avais déjà perdu près d’une minute. Ce n’était que le km 60 et je devais rester calme. Mon pantalon était même déchiré, je devais le remettre toutes les cinq minutes. La suite du parcours a été plus confortable pour moi, avec des pierres et des cailloux. J’ai suivi la poussière soulevée par Kevin Benavides et j’ai pu couper quelques virages. J’ai ensuite suivi Daniel Sanders après le ravitaillement. Nous avons roulé pendant 100 km comme deux diables.

Nous avons roulé pendant 100 km comme deux diables.

Nous avons passé Benavides, les trois pilotes Yamaha sur un lit de rivière asséchée et nous sommes tombés dans une tempête de sable dans une vallée. Je me souviens de ce moment, car je me suis dit que j’étais vraiment stupide! La moto n’était plus dans l’axe à cause du vent, mais nous étions en sixième à 150 km/h pendant au moins 15 minutes. Je n’avais que ce point rouge en ligne de mire (la GASGAS de Sanders, NDR). J’ai ressenti la même chose que si j’arrivais en sixième sur 3 centimètres d’eau au premier virage à Phillip Island! Nous étions vraiment stupides! Nous avons ensuite rejoint une autre rivière, mais nous avons galéré pour valider un waypoint qui n’avait que 200 m de portée. Si tu ne le validais pas, tu ne pouvais pas continuer. Nous sommes allés dans tous les sens. Benavides nous a rejoints, puis les trois Yamaha. Nous étions six ou sept à nous regarder pour voir qui trouverait le premier. J’y suis arrivé en revenant sur mes pas. J’ai vu la lumière jaune, j’ai fait demi-tour. Ross Branch et Andrew Short, les deux pilotes Yamaha, ont vu que j’avais validé le waypoint, donc ils sont allés là où je l’avais trouvé. J’ai attaqué à fond, mais j’étais seul. Après deux minutes, j’ai vu que j’avais les Yamaha à mes trousses. Short est un excellent pilote de motocross. Il me restait 100 km et je n’avais rien à perdre. J’ai bien navigué pour terminer 2e. Toby Price était crédité du meilleur temps mais il a ensuite été pénalisé pour excès de vitesse, mais j’ai attendu l’officialisation. Entre-temps, je suis allé à l’ambassade pour mon passeport et quand je suis revenu, j’ai appris que j’avais gagné… Ça, ce n’est que les cinq premiers jours de mon Dakar! Ça a été une aventure, vraiment. Le jour suivant, j’ouvrais la spéciale et je suis tombé lourdement après quelques kilomètres. L’étape n’était pas difficile parce qu’il suffisait d’aller moins vite, mais la piste était détruite par les voitures et les camions qui avaient emprunté le même parcours la veille (l’étape sera arrêtée après 100 km, NDJ). Je me suis blessé au coude… Le Dakar est si dur qu’il est tout aussi difficile de l’expliquer.

Quelle a été la chose la plus difficile à appréhender durant ce Dakar ?

Danilo Petrucci : « La navigation est très difficile. Rouler vite et trouver le meilleur chemin à suivre est compliqué. Les pilotes qui se battent pour la victoire finale sont impressionnants. Ils sont d’un autre monde. »

Comment vas-tu physiquement après toutes ces péripéties ?

Danilo Petrucci : « Je me remets doucement. Le décalage horaire n’est que de deux heures, mais ces derniers jours, je lutte pour rester éveillé et à 5heures du matin, je suis déjà debout. J’ai passé des examens plus approfondis lundi. Je me suis fait une luxation du radius gauche, une blessure dont j’avais déjà souffert à Jerez en 2014. J’étais déjà habitué à ne bouger que très peu, donc je n’ai pas de douleurs particulières. Je souffre aussi d’une luxation de la clavicule droite. Fort heureusement, les ligaments et les tendons ne sont pas touchés et la chirurgie n’est pas nécessaire. Ça sera douloureux, mais je pense ne pas rouler pendant deux semaines. Pas de motocross… mais dans une semaine, j’espère me sentir bien. La chute a été énorme, mais fort heureusement, rien de très sérieux. »

Prévois-tu de disputer tout le championnat du monde des rallyes-raids ?

Danilo Petrucci : C’était le plan avant même de commencer l’en- traînement pour le Dakar. Mais il y a certaines choses que je n’ai pas appréciées avec KTM, leur manière de manager tout ça. Et durant le Dakar, nous avons rencontré beaucoup de problèmes techniques. J’avais déjà pris ma décision d’arrêter après le Dakar car nous n’arrivions pas à nous comprendre. J’ai donc décidé de ne pas disputer tout le championnat, mais, j’aimerais toutefois faire le Rallye du Maroc pour me préparer au Dakar l’an prochain.

Un retour de Danilo Petrucci possible chez Ducati ?

Danilo Petrucci : Je suis content d’avoir gardé de bonnes relations avec Ducati. Ce fut probablement la clé. En fait, il n’y a jamais eu de problèmes, mais chez KTM, le lien avec l’usine m’a manqué. J’en ai beaucoup souffert. Je parlais davantage avec mes anciens patrons qu’avec ceux que j’ai actuellement. J’ai eu beaucoup de mal à comprendre. Mes relations avec KTM sont bonnes, mais ce n’est pas pareil. D’un autre côté, j’étais très content que Ducati m’ait contacté pour un beau projet aux Etats-Unis. Ce n’est pas encore officiel, mais pour la première fois de ma carrière, je pense d’abord à moi, au côté humain et non au côté sportif. J’ai décidé de courir en rallye parce que je n’avais peut-être pas le niveau en MotoGP à cause de mon gabarit. C’est pour ça que je n’ai pas regardé en WorldSBK, la pression et les efforts y sont les mêmes. J’avais donc besoin de me reposer et de retrouver le bon feeling sur une moto. J’ai accepté l’offre de Ducati avant même le Dakar. J’ai envie de tenter l’expérience, un peu comme si c’était un Erasmus. Même si j’avais continué en rallye, j’aurais choisi un endroit pour m’entraîner au guidon d’une moto de rallye. Cette proposition de vivre aux Etats-Unis est quelque chose que je peux faire à mon âge. Je vis encore chez mes parents et j’ai envie d’essayer, de m’amuser comme au Dakar. Je veux retrouver ce que j’aime le plus : piloter.

Danilo Petrucci chez Ducati

Tu as échangé avec Valentino Rossi pour éventuellement disputer le Dakar en voiture avec lui, c’est pour bientôt ?

Danilo Petrucci : Je suis très fier des relations que j’ai avec le paddock du MotoGP. Parfois, avec quelques pilotes, il y a des choses qui ne sont pas claires, mais après une journée, on se serre la main! L’un des premiers à m’avoir écrit a été Carmelo (Ezpeleta, PDG de Dorna Sports, promoteur du MotoGP) puis Dovi’ (Andrea Dovizioso, son ancien coéquipier chez Ducait) et enfin, tous les pilotes comme Valentino (Rossi), Marc (Marquez). J’ai beaucoup discuté avec Valentino. Il m’a posé des tas de questions et nous en avons parlé. Nous ne sommes pas sûrs d’être à l’aise quant au timing.

Il a vu que je me levais à plus ou moins 1heure du matin, il m’a dit qu’il était peut-être plus judicieux de ne pas dormir! Ça serait quelque chose d’incroyable. A moto, rouler et naviguer en même temps est difficile et tu perds le plaisir. En voiture, tu peux penser à rouler et ton copilote se charge de la navigation. Je lui ai dit d’attendre un peu, car j’ai encore besoin d’être plus expérimenté en matière de navigation. D’après ce que je vois, il pourrait se battre directement pour la victoire, mais le copilote doit être au niveau. Et pour le moment, je ne suis pas encore très bon. Mais on pourrait peut-être faire une étape à tour de rôle derrière le volant (rires). Peut-être pas dans un avenir proche, mais je crois que beaucoup d’autres pilotes MotoGP disputeront le Dakar. Joan Mir m’a posé beaucoup de questions, tout comme Marc… Beaucoup de pilotes sont intéressés. Je ne m’attendais pas à susciter autant d’intérêt à travers le monde!

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Julien
Rédacteur web de formation, j'aime transmettre de l'information et traiter de l'actualité sur les sujets auto-moto en général.

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